D'après la croyance d'une secte peu connue, jadis, la Terre était un lieux d’infamie, dévastée. L’ère du démon était à son paroxysme, toute forme de bien banni de cette Terre enflammée. Les volcan grondaient, ils recouvraient toute surface habitable, enflammant la soit disant végétation luxuriante et mythique. C’est ainsi, même aux premières lueurs de la planète, le Mal dominait le Bien. Les démons infernaux annexèrent la Terre divine, rependant horreur et désastre.

Satan, Belial, Lucifer et Leviathan dominaient ce monde de feu et de sang. Les anges déchus devenus incarnations funestes du mal, se présentaient comme les Quatre Princes de l’Enfer. Chacun commandaient ses propres troupes de créatures impies et démoniaques, et ils furent longtemps en guerre pour conquérir le plus de territoire possible. Lucifer, le savoir, la lumière corrompue, dirige le nord, opposition avec son frère Satan qui lui occupe le sud. Satan est l’accusateur. Ce dernier est un démon de feu, et le plus craint des humains. Belial, lui, est au commandement des troupes de l’ouest, et de la terre. Il est magnifique, mais c’est le démon le démon des vices. Pour finir, Leviathan. Celui-ci, déjà d’apparence semi-reptilienne, avait pour royaume l’eau, et l’ouest. C’est le mensonge en personne, il trompe, distille son venin dans les esprits, et manipule.

Cependant, « Dieu tout puissant » ne souhaitait pas voir sa création entre les griffes des Princes. Il déclencha un cataclysme, si puissant et terrifiant qu’il éteignit les volcans, remodelait la terre, les océan, et chassa les démons dans un monde du dessous, nommé Enfer, le sanctuaire des âmes damnés.

Seul Leviathan, le serpent aquatique, resta coincé sur cette planète devenu propriété des humains. Ses armées furent en grande partie décimées, broyées par les flots impétueux, les secousses sismiques et les écoulements grandiose de souffre mêlés de lave incandescente. Leviathan était ainsi prisonnier de cette étendue tumultueuse, aimée, certes, mais une prison aux barreaux doré pour notre démon du mensonge.

Des siècles s’écoulèrent... Arpentant les abysses ténébreuses des océans, il était le Seigneur des Mers, le Roi incontesté des créatures aquatiques et des reptiles. Cependant, il regardait de plus en plus le soleil, qui perçait au dessus de sa tête. Cette source lumineuse lui faisait grandement envie. Le naga ne se souvenait plus vraiment d’avoir déjà aperçu cet astre un jour. Avant, le ciel était encombré par la fumée qui se dégageait des volcans, et Helios ne pouvait percer de ses rayons bienfaisant la masse noirâtre et dense. Au fond des ténèbres de son royaume, il contemplait cette masse, et montait de plus en plus vers elle.

Il remontait de façon très progressive, devant s’adapter à la chaleur de l’eau qui augmentait de plus en plus en fonction de son ascendance. Il en déduisit que la boule lumineuse était chaude, qu’elle dégageait des rayons pénétrant et chaleureux. Comme preuve, il suffisait de voir l’eau. Ses rayons la traverse en profondeur et la rendent plus accueillante que les profondeurs. Leviathan avait à l’époque des écailles presque sur tout le corps, extrêmement résistantes au froid, ses deux yeux, et son index droit entier, bien que dans l’eau, ses mains étaient palmées, et sur ses bras s’étendaient des membranes, des nageoires.

Un jour, il était très proche de la surface, en tendant le bras, il pouvait presque traversé ce miroir dansant pour rejoindre la surface. C’était une sensation étrange, irréelle. Il tendit les doigts vers la surface, vers le Soleil. C’était chaud, c’était bizarre. Il passa sa main dehors, et la remit aussitôt dans l’eau, choquée par la chaleur ambiante. Habitué aux abysses, il n’était pas du tout habitué à cette incandescente planète brillante. Il prit sur lui et sortit tout un bras. L’air le brûlait, mais il tint bon. Leviathan se délectait de cette souffrance étrange et inconnue.

Au bout de quelques minutes, la douleur s’atténua, devint supportable, et même agréable. Vraiment agréable, comme pour un humain ordinaire, pas un plaisir masochiste. En pliant et dépliant ses doigts, il se rendit compte que sa peau avait séché. Elle était plus rugueuse et moins écailleuse tout a coups, comme si je contact de l’air avait donner plus de souplesse et d’élégante humanité au démon. Il remit sa main dans l’eau, qui reprit son aspect écailleux, mais dans une moindre mesure. Le serpent retourna dans l’eau, mais pas au fond des abysses. Ces dernières avaient perdu de leur attrait, il était las de ces profondeurs fades. Il en connaissait les moindres recoins, les moindres secrets. Leviathan avait à l’époque déjà plusieurs siècles à son actif, et le monde marin n’avait presque plus de surprises qui valent d’être vues. Il désirait le monde d’en haut avec une grande avidité, et décida de s’habituer très doucement à cette atmosphère embrasante.


Enfin. Enfin son corps s’était habitué au Soleil. Enfin il allait pouvoir sortir de l’eau, traversé la fine limite du poisson et de l’homme pour voir le monde qui s’étend plus loin. Sa peau était devenue plus souple, même dans l’eau, moins écailleuse, et ses nageoires sur ses bras avaient presque entièrement disparues. Il leva la tête de l’océan, et nagea jusqu’au rivage, tout proche. Sur ses cheveux le démon ressentait la chaleurs solaire, douce, bonne, si exquise... Il rejoignit la plage de sable fin, beau et reflétant la lumière. Il fut éblouit et aveuglé par cette étendue beige si lumineuse, et il se cacha les yeux le temps de s’habituer a cette clarté.

Puis il rampa, ondula pour se mouvoir sur le sol. C’était une sensation vraiment bizarre, et lui faisait des picotements dans tout le corps. Sa longue queue de serpent ondula avec élégance et légèreté, et il quitta l’univers qui avait été siens durant toutes ses longues années. Il découvrit la falaise, la pierre sèche qui crisse sous les doigts, les fleurs, les arbres, la végétation, et toutes ces choses du monde humain. C’était beau, mais son monde d’avant était beau aussi. Les volcans, la lave flamboyante qui coulait le long des flans de ces géants de pierres. Les explosions et les gaz qui décimaient les vivants... C’était d’une beauté meurtrière à couper le souffle.

Le souffle... oui, il pouvait respirer. Le naga s’était rendu compte qu’il possédait des poumons comme des branchies, ce qui se révéla fort pratique pour onduler à sa guise dans l’eau comme sur terre. Chaque soir il retournait dans son royaume bleu pour dormir paisiblement, à l’abris des possibles prédateurs. Car même un démon craint ceux qui peuvent l’atteindre, et il désirait déceler les secrets du monde avant de se faire assassiner ou manger.

Le démon se comportait comme un enfant, mais avec un vision plus mûre. Un enfant ne sait rien, il n’a aucune influence néfaste sur son esprit pur. Certes, Leviathan est mauvais, mais il n’a encore aucun regard sur l’humanité qui lui est impropre. Il découvre tout, ce qui est une chance inestimable pour un adulte, d’avoir une vision pure sans aucun heurte psychologique dut à des visions altérées. C’est ainsi que sont élevés les enfants, dans des principes, des règles absurdes et fausse. La preuve, elles changent au cours du temps, et deviennent parfois tellement contradictoire qu’elles n’ont aucune raison d’être. Le Mensonge est, a l’instar des nouveaux né, totalement inconnu a ses principes, sauf que lui n’a pas de parents pour lui inculper ces ineptes dictats d’éducation.

Un jour qu’il sortait de la mer pour sa promenade quotidienne, il sut bizarrement qu’il pouvait faire plus que ça. Le serpent se concentra, ferma les yeux, et pensa aux hommes qui viennent souvent se baigner à sa porté, tout prêt. Eux possédaient deux énormes excroissance de chaire dans le bas du corps, à la place de la queue. Leviathan voulait à tout prix tester cet étrange façon de parcourir le monde, et cela se fit lorsqu’il rouvrit ses yeux ébahis. A la place de sa longue queue de plusieurs mètres se tenaient deux jambes, la chaire échancrée, l’héritage des humains. Nu sur la plage, il remua ses deux choses dissociée, et lâcha un rire d’admiration et de plaisir. Ses mains étaient à présent dépourvues de nageoire, et en tâtant sa peau, il était parfaitement humain. Que ce fut un plaisant moment pour notre naga, il s’en souvint toute sa vie.

Malheureusement cet état ne durait pas, et après quelques heures sa queue reprenait sa place initiale de serpent. Cela ne lui plait pas, et ne lui déplaisait pas non plus. C’était pour lui le cours naturel des choses, pourquoi le changer ? Serpent, il retournait dans l’eau, humain, il découvrait le monde mortel. Puis il découvrit la population. Se mêlant facilement à la civilisation lorsqu’il était humain, de part sa beauté, sa façon de parler _ qui était tout a fait naturelle pour lui_ il sut qu’ils étaient au IIIeme siècle avant Jésus Christ.

Enfin, il mena une vie où il se melait aux Hommes pendant les 2 petites heures qui lui étaient accordé, et le reste du temps il arpentait l’océan, les lagons, rivières et autres cours d’eau. C’était drôle de voir les gens de cette espèce , de les observer, de les induire en erreur, de voir l’influence néfaste qu’ont ses frères, même absent, sur ces choses éphémères.

Il y avait une chose merveilleuse avec les humains, hommes ou femmes, mais surtout les femmes. Les humains aimaient les orgies, les décadences extrêmes, les plaisirs charnels dépravés et insatiables. Il appréciait grandement ces jeux. Pas au point d’y passer son temps, mais assez pour s’y rendre avec bonhomie et entrain. Il découvrit aussi des herbes « magiques » qui rendaient euphoriques et qui faisait nager dans une dimension parallèle. C’était... divin. Un aperçu de l’Enfer.



Mais quand on ne vieilli jamais, on ne peut rester aux même endroit. Il partit dans le monde, partout, et ne revenait qu’après 60 à 100 ans en moyenne, pour que personne d’encore en vie ne le reconnaisse. De toutes façons, il aime voyager. Il aime les endroits qui change, les océans qui bougent, du sable qui volette dans le monde... C’est fascinant comme un grain de sable des plages peut se retrouvé a l'autre bout du pays seulement par le vent ou les flux de la mer.

Enfin, pendant plusieurs centaines d’année, il vécut ainsi, et un jour, à l’époque moyenâgeuse, il s’endormit dans un lagon magnifique. L’eau était claire et turquoise, la végétation permettait de dormir confortablement. Mais voilà, des saltimbanques croisèrent sa route. Ou plutôt, une caravane passa prêt du petit lac. Un homme s’arrêta pour chasser de quoi manger. C’était illégal, si le seigneur de ce fief s’en apercevait, ils allaient être sévèrement punis. C’est pourquoi les brigands, bien qu’appliqués à leur tâche, souhaitaient se dépêcher.

Soudain, l’un d’eux vit une forme dormir à côté d’un lagon. Il intima à son compagnon de se baissé, pour ne pas se faire repérer. La forme semblait dormir, mais il fallait vérifier. Les deux compères s’approchèrent à pas feutrés du dormeur, qu’ils trouvèrent à demi dans l’eau pure et cristalline. C’était un homme, comme le démontrait ses larges épaules, mais un détail les interpella. Ce n’était pas un détail anodin qu’une queue reptilienne de plus de 3 mètres qui dansait sur la roche humide. Ils restèrent pétrifiés, persuadés d’être victime d’une allusion maléfique. Un démon... ils avaient un démon juste en face d’eux.

La première stupeur passé vint le sentiment que tout humain connait, l’avidité. Un démon à porté de main n’est pas courant, l’envie d’être un héros, riche, peut-être, revigorait les deux hommes, qui se concertèrent du regard. Après une brève discutions, et malgré la peur qui étreignaient leurs estomacs, l’un d’eux prit une batte, l’autre enleva sa veste en se tenant près. A un signal, l’un enveloppa la tête de Leviathan dans sa veste. Le naga se reveilla en gesticulant, dominé par des créatures ineptes et humains. Il eut à peine le temps de reprendre totalement ses esprits que l’autre assaillant lui asséna un coup sur la tête. La puissance du choc l’assoma, et son esprit tomba dans l’impuissance des ténèbres.

Feel What I Feel ~

Le naga ouvrit les yeux bien plus tard ses yeux rouges. Il leva la tête, et prit un temps pour se rappeler de l’endroit où il se trouvait et les raisons. A vrai dire, il n’en savait rien, et ne voyait rien. D’après la sensation sur son visage, quelqu’un lui avait bander les yeux avec un tissus miteux et qui dégageait une odeur infecte. Pour autant l’endroit entier était infesté par une puanteur étrange, et était secoué de tremblement. Leviathan céda à la panique, lui toujours si calme. Sa prison bougeait de gauche a droite, et le son environnant lui indiquait qu’il était sur une route, dans une charette peut être bien. Il se souvint de son agression, où plutôt de la sensation d’étouffer, et du coup sur le crâne qu’il avait reçut. Une douleur lancinante se manifesta sur son crâne, persistante. Pour vérifié l’état de sa tête, quelque chose le retint. Un cliquetis significatifs de chaînes accompagna son mouvement, et son poignet était comme enserré dans quelque chose de froid. Oui, du métal, il était enchaîner. Son autre poignet, son cou, et sa queue étaient aussi reliés à des entraves métallique. Leviathan se demandait de plus en plus ce qui allait lui arriver, et pourquoi on l’avait capturé.

Soudain la charrette s’arrêta dans un mouvement brusque vers l’avant. Son cœur s’emballa dans sa poitrine, attendant que quelqu’un vienne lui annoncé son destin. Un brouhaha se faisait entendre dehors, des gens qui discutaient, des cris, des rugissement même. Quelqu’un parla annonça quelque chose sur la capture du Diable, que le Mal sera démantelé devant leurs yeux. Ces paroles glaçèrent le sang du naga quand il comprit qu’il allait être humilié, servir de bête de foire, de monstre, de démon. C’était le cas, et il ne le nierait pas. Il était un des quatre Diables, mais la pensée de mourir ne lui plaisait guère. Ce n’était pas vraiment le fait de mourir qui le gênait, mais la position inconfortable dans laquelle il se trouvait indiquait une chose claire: il souffrira avant de mourir. Même en étant masochiste, la vision de tortures moyenâgeuses s’insinuèrent dans son esprit, et un frisson parcourue son échine dorsale.

Il entendit une porte s’ouvrir, proche de lui. Il bougea la tête, alerté, quand des cris retentirent dans le publique. Dans un effort inutile, il essaya de se libérer de ses entraves par quelques mouvements. Le bandeau de ses yeux fut arraché par des mains d’homme, rugueuse, indélicates. Il découvrit que plusieurs personnes d’apparence miteuse et misérable s'agglutinaient devant l’entrée de ce qui s’avéra effectivement être une charrette. Les figures dégoutées, apeurées, haineuses, et jouissives le étaient dirigées vers lui. Un homme se tenait devant lui, tenant un couteau dans une main, et montrant Leviathan de son arme, et parlant à la foule. Le serpent jetait des regards autour de lui pour chercher automatiquement une chance de sortie, mais rien. Il était solidement attaché, et sa queue immobilisée. La lame se rapprochait de lui, et il la fixait de ses yeux effrayés, les pupilles dilatées par la peur.

L’homme se mit derrière lui et annonça à la foule

« Pauvres bougres... L’aigle de Sang ! »

Leviathan baissa la tête, alarmé et terrorisé par ce qu’il ouït. La froide lame effleura sa colonne vertébrale, sans y pénétrer. Le serpent se cambra, dans une inepte tentative d’échapper à la morsure du métal, mais le couteau transperça sa chaire au niveau des côtes. Lui qui d’habitude aime ce genre de chose gémit sous l’attaque. Le couteau quitta sa chaire, avant d’y rentrer à nouveau au niveau des côtes. Il lui asséna nombre de coups de couteau, riant face à la douleur que ressentait le démon.
Les morsures répétées de la féraille lui arrachaient quelques cris, gémissement, et autres complaintes vocales. Son sang, ce liquide visqueux, dégoulinait dans son dos des plaies ouvertes, teintant de rouge sa peau d’albinos.

Par la suite, il mit fin à la torture du couteau, au grand soulagement de Leviathan. Mais voilà que son persécuteur prit une autre arme... une masse. Le Menteur fut totalement terrorisé, se voyant déjà broyé et dépecé. L’autre s’approcha, sous les cris euphoriques de la foule, en riant. Il leva un peu sa masse, et l’abattis sur les côtes de Leviathan. Ce dernier entendit un craquement immonde émaner de ses entrailles, et une douleur diffuse se rependit dans son organisme. Il poussa un hurlement de douleur en sentant 3 de ses côtes se briser sous l’impacte de la massue. Le liquide grenat et pâteux remonta de son œsophage et dégoulina de sa bouche. Des éclairs rouges, noirs et blanc passaient devant ses yeux, des flash, la douleur, les cris, la haine...

Tout s’acheva dans cette folie sanguinaire. La foule se dispersa en cris quand des cavaliers armés firent leur apparition. Leviathan, au bord du gouffre de la mort, regardait cette scène floutée et laiteuse, comme de la peinture délavée. Le feu enflamma la paille sèche d’un paysan, et les portes se refermèrent sur ces délicieuse vision d’Enfer terrestre...

See what I See ~

Delicieux... ce noir, ces chaines froides qui enserrent les poignets de Leviathan. Le sang chaud qui dégouline dans son dos a stopper son flot continu. Il lui suffisait de bouger pour que les plaies s’ouvrent à nouveau pour rependre l’elixir de vie. Sa vision devenait de plus en plus, et la douleur de ses os brisés devenait lointaine, comme détachée de son corps. Cette sensation de béatitude enivrée faisait ressentir du plaisir à son corps cassé, toutefois corps de démon. Ce dernier, plus résistant que les humain, lui permettrait de guérir. Le processus sera douloureux, mais plus ou moins rapide et surtout efficace. Tout comme l’humain, il gardera des cicatrices indélébiles, mais
ce tribut n’est qu’une maigre somme par comparaison à la Mort.

Leviathan se guérit donc petit à petit, enfermé dans cette charrette nauséabonde, emplie de son propre sang. La mer lui manquait. L’eau aurait été une source de fraicheurs apaisante pour son corps meurtris. Sa caresse divine, le touché immatériel du monde aquatique soignait le corps et l’âme, comme un baume merveilleux. Toutefois le démon était enfermé, et ne pouvait sortir. Le bruit marin lui manquait, mais comment se libérer de ses entraves ? Le démon réfléchissait à cela, essayant par la même occasion de retirer sa queue de ses chaines. La qualité médiocre de ses fers devait lui permettre, avec une force suffisante, de s’extraire de cette chose. Il tira, tira de toutes ses maigres force, poussé par la volonté d’être à nouveau libre. Quelques millimètres bougèrent, minimes, insignifiants, mais si importants pour le naga. Qu’importe la douleur, il tira, et la chaîne se détacha enfin. Il avait mal, mais le plus important était d’avoir un membre de libre.

Soudain, la porte s’ouvrit, et une vive lumière pénétra dans l’endroit ténébreux. Leviathan ferma les yeux en crispant le visage, incommodé par cette lumière trop vive pour ses yeux de nouveaux habitués à l’obscurité. Des pas retentirent sur le bois couvert de paille, et une silhouette cacha le soleil flamboyant. Encore des pas d’homme, vu leur poids sur le sol et le bruit. On lui asséna un coups à l’estomac, sans raison, qui lui fit cracher à nouveau une gerbe de sang. Les plaies dorsales s’ouvrirent légèrement, lui arrachant un râle de douleur, feutré par le sang dans sa gorge.

L’homme s’assit à son côté, en face de lui, le regardant avec des yeux mauvais et amusé. Sa voix bourrue et désagréable résonna dans la charrette:
« Faut t’garder en vie, démon. C’est l’chef qui l’a dit, pour te tuer devant les bonnes gens. »

Il se mit à rire. Leviathan leva un sourcil, nullement impressionné et quelque peu irrité par les propos de ce grossier personnage. L’autre leva une sorte de pain rassit et lui mit dans la bouche. Le démon recracha la chose, son plan soudain tout tracé dans son esprit. Son geôlier reprit le pain et lui enfourna à nouveau dans la bouche, tandis que Leviathan faisait glisser sa queue vers l’espèce de gorille. Soudain, il le prit à la gorge, comme une proie, et serra autour de son cou. Surpris, il n’eut pas le temps de réagir ni de faire quelconque geste pour esquiver l’attaque. Leviathan cracha à nouveau le pain immonde, et fixa l’homme de ses yeux, plus rouge que d’ordinaire, brillant d’une lueur sadique et meurtrière. Comme en réponse à la voix rude de sa victime, il annonça d’une voix douce et chantante:

« - Pauvre vermine. Crois-tu vraiment pouvoir jouer longtemps d’un démon ? Ton abjecte maladresse te vaudra un voyage vers le monde de mes frères Satan, Lucifer et Belial.  »

Soudain, il attira l’homme vers lui, et posa ses dents contre sa gorge, dégoutée par l’odeur de sa peau. Ses crocs pénétrèrent la chaire immonde, pour atteindre l’artère vitale, le flot de sang chaud qui coulait dans ce corps ignominieux. Il déversa son venin dans ses veines, lent, malin, apte à paralyser cette enveloppe de chaire. Sous ses crocs avides, les sursauts et supplications inintelligibles de la proie se dégradèrent, et il ne bougea presque plus du tout. Leviathan relâcha l’étreinte de sa queue, laissant le corps inconscient s’affaler sur lui. C’était répugnant de le sentir contre sois, dégoulinant de sueur mélangé au sang... ignoble.

Sa queue glissa vers les vêtements miteux du gorille pour en trouver une espèce de trousseau, noué par un cordon huileux, où trois clefs cliquetaient entre elles. Il la prit dans son anneau pour glisser l’une d’elle dans le cadenas d’un de ses poignets. Le bruit qu’il entendit le fit sourire. Il venait d’insérer la bonne clef, et le cadenas s’ouvrit après un léger tour de la clef. Il libéra sa main, sa peau fine arborant des bleus violacés et des égratignures à force de tirer dessus. D’un geste du bras il poussa sa victime, qui consciente mais paralysée le regardait se libéré, totalement impuissant. Leviathan empoigna la clef et la glissa dans la serrure de son autre main. Après s’en être débarrassé, il s’occupa de celle de son cou. Elle résistait. La clef n’était pas la bonne, c’était certain. Il essaya une autre, qui ne fonctionna pas non plus. Contrarié, il fronça les sourcils, et pria toutes les créatures infernales en insérant la dernière clef, et en la tournant. Le bruit d’un cadenas qui saute lui rendit son sourire, et il se libéra de cette ultime entrave. Puis il tourna la tête vers l’homme qui gisait à son côté.

Le désir de vengeance... le bonheur intense de l’instinct sadique. La torture, la torture était un remède efficace contre quelqu’un qui avait fait du mal. Il suffisait que cette torture ne débouche sur la mort, et plus aucun soucis ne se fera à propos de l’homme qu’on désire immolé. Celui à ses « pieds » était tout sauf désirable comme étant vivant. Leviathan pensa donc qu’il était comme de son devoir d’éradiquer cette immonde personne et de libérer de pauvres âmes innocentes. Quel esprit charitable tout de même !

Dans un coin trainait la massue, l’instrument qui lui avait brisé trois os. Ces derniers s’étaient ressoudés, grâce à la faculté de guérison du démon mais la douleur était la même, intense, et lancinante. Il s’empara de cette arme. Elle était lourde, un peu trop lourde pour ses muscles endoloris, mais la haine et la joie qu’il éprouvait l’aidait à supporter cela. Il commença a la balancer, sous les yeux de son ancien geolier. Doucement, la trajectoire de la masse était perpendiculaire à la tête de l’homme, l’engrenage s’était mit en marche, et dans quelques balancement, la massue atteindrait son visage. Leviathan continua de balancer l’objet, de gauche, a droite, de gauche a droite, se rapprochant toujours plus de la tête de sa victime. Soudain, l’objet atteignit son nez, qui craqua dans une gerbe de sang. Le démon sourit à cette vision, contemplant la rivière pourpre qui s’écoulait en flot continus de cette blessure, et asséna un autre coup avec le balancier improvisé. Cette fois il atteins le visage. Quelque chose craqua, mais l’homme était toujours vivant. Alors Leviathan laissa encore une fois la masse se balancer, plus loin, toujours plus loin, et s’écraser contre le tête de l’infortuné personnage. Dans un bruit sourd, elle s’enfonça dans la chaire, les os fragmentés et la peau, devenue écarlate, broyant les yeux, écartelant la bouche, et réduisant le nez à amas vermillon et pâteux. Quel spectacle délicieux, d’une beauté exquise. Toutes ses couleurs chatoyantes colorant un monde gris et morne, c’était d’une poésie...

Le serpent, bien qu’affaiblit, revêtis ses jambes humaines et sortit en cachant sa nudité, espérant ne trouver personne. La planète solaire descendait à l’horizon, et n’était plus qu’une ombre lumineuse. L’impression de grande clarté de toute à l’heure n’était qu’une illusion due à l’inaptitude de ses yeux à voir la lumière, et la nuit était presque tombée. Cela ne jouait pas en faveur. En effet, sa peau diaphragme et ses cheveux de neige captaient la lumière dans l’obscurité, et il ne passait pas inaperçue. Enfin, il sortit sans bruits de la charrette...

I'm a bad devil, but I'm In Love ~

Une ombre blanche passa près de la fenêtre d’Elea. La jeune fille était logée dans la carriole de son père et de ses frères, et elle répétait son numéro pour la foire. Elle était en train de tester de nouvelles figures lorsqu’elle vit ce fantôme contrastant avec la nuit ténébreuse. Après le premier instant de surprise, elle céda à la peur. Une peur de la mort, des fantômes, des présences des âmes damnées qui viennent les emmener en Enfer. La sensation de froid sans son corps, d’un engourdissement, se rependait comme un acide, et l'empêchait de bouger. C’était idiot d’avoir peur pour une ombre. Peut être n’était elle que le simple fruit de son imagination. Elle s’approcha de l’ouverture qui servait de fenêtre et pencha la tête au dehors, le cœur tambourinent dans sa poitrine. Elle voyait la forêt, silencieuse. La caravane était un peu à l’écart des autres, et elle était juste a côté de la foret. Les autres saltimbanques étaient réunis autour d’un feu et d’un modeste repas, et discutaient. Elle s’apprêta à retourner à ses exercices, soulagée par l’absence d’un quelconque fantôme, quand elle entendit un pas sur le feuillage...

Que les jambes humaines étaient maladroite ! Avec sa queue de serpent, Leviathan pouvait glisser sur les feuilles sans faire le moindre bruit. Ainsi il pouvait repérer ses proie, sans que ces dernières ne soient averties par un quelconque mouvement nocturne. Par la suite il bondissait sur son repas, l’etrenglait dans l'étau maléfique de ses anneaux, ou le mordait pour le paralysé. Quoi qu’il en soit il pouvait manger, et pas étonnant que les Hommes est inventés les outils et autres bricoles. Ils sont si maladroits et leur corps est si faible.

Sauf que là Leviathan venait de commettre une erreurs humaine. Pour passer le plus loin possible des autres tout en essayant de se localiser, il était passé à proximité d’une autre charrette pourvue d’un toit. Jusqu’ici rien d’anormal et de stupide. Sauf que lorsqu’il se tapie dans l’ombre, une jeune fille sortit la tête de sa fenêtre pour regarder au dehors. Le démon écarquilla les yeux. Il oublia un instant sa fuite, ses tortures et ses douleur, pour admirer la plus belle créature qu’il lui avait été donner de voir. Elle possédait de long cheveux argentés, comme lui, mais en plus brillant et pailleté. Son visage était délicat et fin, rouge au niveau des pommettes, et apparemment effrayée. Le serpent se demanda s’il était la cause de cette peur apparente, et il sentit un instinct, une force qui désirait prendre la jeune fille dans ses bras, et la protéger des menaces extérieures...

Mais que lui arrivait-il donc ? C’était totalement absurde, idiot, abscons ! Comment lui, un démon, pouvait-il ressentir le besoin, le désir de protégé quelqu’un du mal, alors qu’il le rependait ? Cet instant de stupeur et d'inattention lui fit commettre sa plus grande erreur, alors qu’il s'apprêtait a partir. Il butta contre des branches, qui se secouèrent dans un bruissement. Il resta tétanisé, lorsque la porte de la caravane s’ouvrit doucement. La jeune demoiselle sortit, avec hésitation, et se posta non loin de lui, le couteau à la main. Elle prononça d’une voix douce et fortement apeurée, tremblante même:

« -Qui... Qui est là ? M... Montrez-v... vous ! »

Quelle réplique futile, et pourtant si douce franchissant ses lèvres rouges framboise. Leviathan, toute situation inconfortable qu’il occupait, se surprit à rêver du contact de ses propres lèvres sur celles de la demoiselle. Cela devait être si doux, agréable, chaud... Ce contact électrifierait son corps, le rendrait frissonnant et insatiable de caresses, avide de cette jeune fille si magnifique.

L'énervement le gagnait. Il devait arrêter de penser à cela. Pour se donner bonne contenance, il se faufila entre les arbres et les buissons pour se retrouvé aux côté de l’Humaine. D’un coups, il bondit sur elle, comme un serpent, passant un bras autour de son cou pour la bailloner d’une main, tout en maintenant les bras frêles contre le corps tout aussi chétif. Pourquoi avait il fait cela ? Il aurait pu s’enfuir en courant, abandonner tout cela, et quitter cet endroit. Mais la folie qui s’insinuait dans son esprit l’agaçait, et il souhait réparer cet instant de faiblesse.

Leviathan emmena la fille dans sa propre caravane, ou il la relâcha. Cette dernière se plaqua contre le « mur », dans un réflexe défensif. Sa position était claire. Jambes légèrement écartées sur le sol pour plus de stabilité, le buste quelque peu penché en avant, les pupilles dilatées et la respiration haletante... tous les signes de la peur et de la surprise étaient présent sur ce magnifique visage, ce qui l’enlaidissait un peu. Prenant de nouveau conscience de sa nudité, Leviathan prit un quelconque tissus de la pièce et la noua autour de sa taille, comme un pagne, en quelques sortes. C’était très indécent, à l’époque, pas comme en Grèce. Cette époque lui manquait...

Il sourit, parfaitement calme. Les plaies dans son dos suintaient légèrement, ce qui lui faisait mal. Mais qu’importe la douleur quand on est libre. Il s’approcha de la demoiselle, qui semblait vouloir dire quelque chose. La peur devait étreindre ses cordes vocales, peut être. Il attendit, patient, sans faire un geste, sans rien dire, juste en baissant les yeux vers le ventre de la jeune fille, comme pour ne pas l’incommodé de son regard. A sa grande joie elle réussit à articuler quelques mots:

« -Qui... qui ê...êtes-vous ? Qu’allez v... vous f...faire de moi ? »

Une sorte de sanglot commençait à percer dans sa voix. Le visage du démon devint soudain moins heureux et plus triste. Il n’aimait pas savoir l’idée que la jeune femme dont il ignorait totalement le nom pleurait, surtout à cause de lui. Il secoua la tête. Encore une de ces plussions étranges et insoupçonnées. Il reprit un air joueur et lui répondit:

« - Enchantée demoiselle. Je me nomme Leviathan Loki, mais mon nom doit sonner à vos oreilles comme un air connu. Je suis l’un des quatre princes de l’enfer que vos amis ont capturé, torturer et humilié publiquement etc etc. Je ne suis pas là pour faire leur procès, mon bourreau est mort. Et si vous vous tenez tranquille, ma belle, il ne vous arrivera rien de fâcheux. »

Voilà des paroles qui se voulaient confuses. Tantôt la mélodie de sa voix berçait le cœur de n’importe qui, tantôt ses propos étaient inquiétants. Que devait penser la demoiselle ? Leviathan enchaina sur une autre question, sans lui laisser le temps de répondre:

« - Et vous, qui êtes vous ? »

Elle balbutia, déglutissant:

« - Mon père est le chef de la troupe. Je suis sa.. sa fille, Elea »

Beau prénom, compatible avec la douceur de ses traits. Elle lui avait dit tout cela sans grande hésitation ni désire de mentir apparemment. Peut être que le « si vous vous tenez tranquille, ma belle, il ne vous arrivera rien de fâcheux » sonnait dans son esprit comme le bruit d’une cloche, tintant comme une promesse douce à ses oreilles, mais seulement à certaines conditions. Ne pas s’échapper, ne pas hurler, ne pas mentir, ne pas dissimuler, ne pas l’attaquer et que sais-je encore.

Il sourit, un sourire qui se voulait doux et rassurant. Dans un coin de la pièce, il venait de voir une sorte de violon. Ils étaient au XVI eme, vers la fin moyen-âge, et cet instrument venait de faire son apparition. Leviathan avait de suite été charmé par son son mélodieux, et avait apprit à en jouer. Sans partitions, il composait des morceaux qu’il oubliait aussitôt, pour le simple bonheur de jouer de ce fabuleux morceau de bois. Étrange qu’une jeune fille de cette basse lignée possède un instrument si beau et précieux, mais qu’importe. Il s’approcha de l’objet, et le saisi ainsi que l’archer, avant d’aller tranquillement s’asseoir sur l’unique couche de la Charrette. Par ces temps, ils n’étaient pas rares que les gens dorment ensemble, pour compenser le manque de chauffage. Enfin, il commença à pincer les cordes , qui lui répondirent par un son mélodieux. Bien, il était accordé. Tout en faisant cela il questionna la demoiselle, sans la regarder:

« -Bien. Donc... Elea... La mort de cet énergumène vous dérange-t-elle ? Et pourquoi errez vous donc sur les routes ? Votre père pourrait vous trouver un parti convenable, pourtant vous n’êtes pas encore mariée. »

Il leva le violon et le posa sur son épaule, en positionnant l'archée. D’un léger mouvement de bras, il fit gémir le violon, qui poussa sa plainte mélancolique et déchirante. Il n’appuyait pas trop, pour ne pas jouer trop fort. Après tout, peut être que quelqu’un pourrait l’entendre, mais il adorait cet instrument et ne pouvait y résister. Ses yeux se fermèrent à demi, et le sourire sur son visage prit une teinte sereine. Lorsqu’il les rouvrit, il croisa le regard de la demoiselle. Elle semblait moins effrayée, plus calme, en tout cas. Un soupçons de méfiance laissait une trace sur son angélique visage, mais elle se tenait plus droite, dans une position moins défensive. Excellent, c’était exactement le but de la manœuvre. Il commença à improvisé un air, qui sonnait doux, mélodieux, avec une pointe de tristesse mêlée d’amertume. Il apaisait l’âme, qui naviguait sur des eaux calmes et tranquilles, sans démons ni heurtes à la béatitude de l’instant. Leviathan sourit à Elea, qui se laissait bercée par l’harmonieuse symphonie. Elle ouvrit la bouche et répondit à ses questions, d’une voix bien plus posée qu'auparavant:

« - La mort de cet imbécile n’a aucune importance. Je le détestait, il me courtisait de façon bourrue et maladroite, comme un animale. Pardonnez mes propos. Malgré tout, je reste pour mon père, même si l’idée de me marier avec quelqu’un que j’aime ne me déplait pas. »

Leviathan perdit son sourire, et détourna les yeux. C’était presque impossible, à leur époque, de contracter un mariage tissé d’amour. Cette charmante demoiselle se berçait d’illusions, et la chute ne sera que plus rude lorsqu’elle devra partagé la couche d’un vieillard, contre son gré, à subir d’ignobles caresses. Les visions qui s’insinuèrent à son esprit n’étaient guère plaisantes, même pour lui. Il lui semblait ressentir un intense dégout, une haine qui lui était inconnue. Quelle étrange sensation. Il regarda la jeune fille, dont le regard était perdu au delà de la forêt. Il surprit un autre sentiment. Au niveau de son torse, l’incarnation démoniaque ressentait une chaleur, comme si son cœur était de nouveau prit dans les flammes de l’enfer. Une brise vint agité les cheveux argentés d’Elea, et une envie irrésistible de passer ses doigts au travers de cette masse de fils d’argents traversa Leviathan. Il arrêta de jouer, choqué. Son cœur battait plus vite dans sa poitrine, et l’archer lui glissait presque des mains. En regardant ces dernières, il se rendit compte qu’elles étaient moites. Qu’était-ce encore que cette diablerie ?

La jeune fille porta de nouveau son regard sur son geôlier, qui l’observa plus attentivement. Ses yeux étaient d’une couleur claire, presque mauve. Sa peau d’une blancheur éclatante, comme la sienne, devait la rendre sensible au soleil. Elle paraissait si gracile, si fragile, comme un papillon éphémère. Le démon stupéfié plongea dans les yeux de son interlocutrice, qui ne détourna pas chastement le regard, comme une jeune fille devait le faire. Elle rougit, d’une teinte délicieuse, au niveau des pommettes, mais resta plantée dans les yeux rouges de Leviathan. Ce dernier, au bout d’un long moment, secoua la tête, déboussolé et en colère contre lui même. Il baissa les yeux vers son violon, et rompit le silence qui devenait pesant:

« - Cela n’arrivera pas. Si votre père trouvait un parti acceptable pour vous, ce ne serait une union de liens tendres et amoureux, mais intéressée. Cet hymen ne vous mènera nul part gente dame, alors restez auprès de votre père. Si vous le désirez, faites voleter votre cœur auprès des jeunes gens de la raison, ravis de cueillir une rose telle que vous. Mais votre beauté ne durera pas, et vous vous fanerez. Si l’amour vous tient tant à cœur, vous n’avez que deux solutions: y renoncer, ou vivre hors des lois du mariage et de Dieu pour vivre votre passion. Votre flamme penche-t-elle pour quelqu’un en particulier ? »

Son discours était cru, blasphématoire et choquant pour une jeune fille qui apparemment ne connaissait que peu les dures règles sacrées. Il n’osait levé les yeux, face au silence qui lui répondit, fixant le morceau de bois qu’il tenait entre ses mains. Au bout de longues minutes, il leva la tête, et fut presque choqué de voir la jeune fille prendre une mine si triste. Ses propos brusques l’avait touché, et le dégout mêlé d’angoisse déformait ses magnifiques traits. L’idée de se retrouvé dans des bras détestés pour de l’argent devait être une horreur pour elle. Quelle demoiselle si jeune, confronté au dilemme de l’amour ou de la rédemption, ne serait pas transit d’horreur ? La foie était quelque chose de si important à l’époque que vivre avec quelqu’un hors du mariage revenait à saluer les flammes de l’Enfer. Le naga pencha la tête sur le côté, perplexe. Pourquoi une fille de saltimbanque ne connaissait pas tout cela ? En regardant à son cou il voyait une croix dépasser, la croix chrétienne. Toutes les croix avaient une "signature" lorsqu'elles parvenaient d'un couvent, et le ruban qui attachait celle-ci parvenait d'une institution religieuse à quelques lieues d'ici. Pour un démon, il était étrange de connaitre ces choses là, mais il aimait rendre visites aux dames des couvent. Il déduit que la jeune fille avait due être élevé entre des murs haut et infranchissable, où elle devait pratiquer sa foie nuit et jour et où on lui inculpait les valeurs d'une jeune fille prude et bien élevée. Bien, c'était la raison de cette vision idyllique du monde qui l'entourait. D’un ton plus doux, Leviathan poursuivit:

« - N’ayez crainte, l’Enfer n’est pas si terrible. »

Il se leva du lit, maintenant le tissus sur le bas de son corps. Il était étonné qu’elle n’éprouve pas plus de gène en le voyant si dévêtu. Ah, elle détournait le regard en rougissant. Dans sa panique de tout à l’heure, elle n’avait sûrement pas remarqué cet « accoutrement » et n’en avait pas eu ombrage. A présent c’était une position délicate. Il s’approcha d’elle, laissant l’instrument sur la couche, et leva une main. Elle ne bougea pas. Il posa sa main sur la joue rouge de la jeune fille, qui eut un léger mouvement de surprise. Leviathan pencha la tête sur le côté d’un air pensif, songeant que sa captive n’avait pas encore tout a fait confiance en lui. Quoi de plus normal après tout, elle paraissait prude et pure, tel un ange descendu sur terre. Son contact eut un effet étrange sur le démon. Des picotements parcoururent sa main, partant de ses doigts, et traversant son corps. Il frissonna discrètement, sans pour autant se retirer. Il sourit d’un air doux, tandis qu’il prit le menton d’Elea dans ces mêmes doigts, pour pouvoir la regarder en face.

« - En tant que démon, je peux vous assurer que la Terre est parfois pire que l’Enfer. »

Pour une fois dans sa vie, il ne mentait pas. Le démon du mensonge n’avait rien essayer de dissimuler à cette jeune personne, cet ange adorable. Il se sentait bien comme cela, la regardant tendrement. Quelque chose en lui criait de s’en aller et de l’oublier, comme il avait oublier tant de femme avant elle. Ce cri de détresse fut réduit au silence par une puissance force inconnue, indépendante de sa volonté.

Elle le regardait d’un air surpris, comme prenant conscience qu’il ne lui ferait jamais de mal, car sa volonté était réduite à néant. La demoiselle se sentit frémir, enivrée de la présence de Leviathan si proche. C’était étrange de remarquer ce détail, d’après elle, mais sa peau sentait bon, ainsi que son aleine. Elle baissa de nouveau les yeux, regardant les tatouages sur le torse du soit disant démon. Elle ne l’avait jamais vu, mais avait eu vent des agissement de ses camarades. Son père lui avait dit qu’ils avaient capturer un démon mi-homme mi-serpent. Mais serpent ? Pourquoi ? Il n’avait rien d’un serpent. Mais après tout, Leviathan est dans la bible l’incarnation du mensonge, alors peut être que cette apparence n’est qu’un ultime mensonge. Quoi qu’il en soit, illusion ou pas, son contact déclenchait en elle une chaleur dans le ventre, comme des battements d’ailes de papillons. C’était merveilleux comme ressentit. Ses joues rosirent sous la pression sanguine de son cœur qui battait la chamade. Pourquoi se comportait-il d’une manière si douce ? Pourquoi vouloir la protégé d’un destin commun a toutes les demoiselles: le mariage. Étrangement, les lèvres de Leviathan, au niveau de son front, bien qu’il soit un peu baissé, étaient fort attirantes. Derrière son sourire, on pouvait deviner deux crochés extrêmement long et pointus. Curieusement elle ne fut pas effrayée par cela, au contraire. Elle avait la certitude qu’il était bien celui qu’il prétendait, et le goût de l’interdit mêlé au désir faisait palpiter son cœur. Elle se souvint soudainement d’une question auquel elle n’avait pas répondu, envoutée par ses mots, son odeur, son apparence... D’une petite voix elle répondit:

« Et.. non, je n’ai pas de nom a vous livrer quant à un possible amour... du moins, je crois, et n’en suis plus très sûre. »

Elle fixait toujours sa bouche, sans bouger.

Leviathan regardait d’en haut cette merveilleuse jeune fille. Quel âge humain avait-elle en fait ? De 16 à 18 ans, peut être ? Elle paraissait si jeune et troublée... Ses yeux semblaient se porter vers les lèvres de Leviathan, où trônait un sourire tendre et amusé. Il rougit à son tour, désireux de poser ses lèvres contre celle de la jeune demoiselle. Le jolie teinte framboise l’attirait comme un insecte attiré par la lumière, et cette envie fut à son paroxysme quand elle bougea ses tendres lèvres pour lui répondre. Sa réponse élargit son sourire. Elle n’en est plus très sûre, dit-elle? Serait-ce la damnée que de lui volé un baiser? L’enfer est si doux...

De son autre main, il saisit son visage entre ses doigts fins, le capturant, et baissa la tête pour être à sa hauteur. Leurs lèvres vinrent à se toucher, celles de Leviathan avides de ce contact, celles d’Elea timides et hésitantes. Ils ressentirent tous deux d’intenses chatouillements, des pulsions électriques et des frissonnement dans le corps. Leviathan, bien que dans le domaine connu qu’est le baiser, n’avais jamais ressentit cela. Son cœur battait la chamade. Etait-ce une émotion humaine ? La chose que les humains appelaient « amour » ? Ce n’était pas possible ! Il n’était pas humain. Il ne pouvait être amoureux du jeune ange qu’il embrassait avec tendresse, il n’était pas fait pour ressentir cela. Malgré tout, il ferma les yeux; savourant ce doux baiser, la douceur des lèvres fines contre les siennes. Ses mains caressèrent les joues de la demoiselle, qui se laissait également aller à cette indécence délicieuse et impie. Le démon, fébrile, menait un combat interne, entre sa nature démoniaque et son « amour » naissant. Le désir secouait ses entrailles, propageant une chaleurs douce et érotique. La symphonie de leurs cœurs battant à l’unisson dans des tremblements intenses, leurs corps si proches qu’ils pourraient rentrer en contact leur faisait tourner la tête. A contre cœur, Leviathan détacha ses lèvres de celles de la jeune fille, restant un court instant près d’elle pour s'imprégner de sa chaleurs corporelle et de son odeur divine. Les yeux fermés, il continua de caresser son doux visage, tandis que sans réelle conscience il l’attira pour sentir la peau d’Elea. La jeune fille semblait légèrement amusée, non déçue apparemment de son premier baiser. Braver l’interdit, goûter à la saveurs interdite, à la démoniaque tentation, était un sentiment tout a fait délectable.

La béatitude de l’instant s’évanouit en quelques secondes, lorsque quelqu’un frappa à la porte. Leviathan se redressa, comme le serpent qu’il est, et lâcha Elea qui, redescendue du paradis céleste _ ou de l’enfer_ resta un instant sans réaction. Leviathan lui sourit, redevenant lui même, et passa sa main contre la joue de la demoiselle. Une foule d’émotion passa dans le regard de la jeune fille. La stupéfaction, l’incrédulité, la tristesse de l’adieu, la déception et l'urgence. Il rit doucement, et lui souffla à l’oreille:

« - A bientôt, ma douce Elea »

Il la lâcha et disparu par la « fenêtre », gardant le tissus qui le couvrait et courant dans la forêt loin de cet endroit, le cœur tantôt déchiré tantôt touchant le paradis qu’il ne pourrait jamais visité...

Suite de l'Histoire ~


Les jours et semaines qui suivirent, Leviathan suivit de près ou de loin la caravane, qu’il soit sous forme de serpent ou d’humain. Parfois, le soir, il s’invitait dans l’habitation d’Elea, quand les autres étaient réunis dehors, et passait une soirée agréable en compagnie de celle pour qui son cœur mort battait si ardemment. Lui si enclin aux désirs charnels, il n’abusa en aucune façon d’elle, hormis les baisers volés au clair de lune. La simple présence de cet ange, leurs sentiments mêlés, aussi démoniaques qu’angéliques, suffisait à son bonheur. Jamais il ne fut aussi heureux. Il l’aimait. Lui, le diable, aimait, ressentait des sentiments affectueux et dépendants pour une personne. Elle était la plus belle, la plus merveilleuse, la plus sensuelle... Il l’aimait, il l’aimait comme un fou, et ne pouvait se passer d’elle. Son unique chance de salut, il la tenait. L’amour... Il doutait de pouvoir s’en débarrasser, et une peur s’installa. En effet, la jeune fille, bien que très jeune, était mortelle. Comment lui, un immortel, pourrait voir cet ange vieillir, ternir et mourir. Comment après son déclin il pourrait supporter l’existence ? Cette question l’omnibulait.

Cela devenait de plus en plus difficile de voir sa Elea. En effet, son père la voyait toujours disparaître à heures régulières, et elle était sous surveillance. Son père craignait qu’elle voit un quelconque gentleman, et également que Leviathan, pour assouvir sa vengeance, ne tue sa fille. Mais la seule soif du démon était cette Venus, cette colombe, l’objet de son désir et de son amour. C’était si doux l’interdit de leurs rendez vous galant. Il jouait parfois du violon pour elle. La demoiselle partageait sa passion pour le violon. Elle n’avait eu le loisir d’apprendre ce merveilleux instrument, mais elle adorait l’écouter, et les mélodies de Leviathan faisaient chavirer son cœur.

Cependant, le bonheur est un moment fugace dans la vie de quelqu’un, même quelqu’un d’immortel. Le père d’Elea avait vu sa fille quitter, un soir, la caravane, et se précipiter dans la forêt. C’était le moment, il la suivit. Il voulait découvrir les agissement de sa fille, et savoir qui elle fréquentait pour fuir comme ceci, en cachette, la troupe. L’homme prit un couteau, au cas où...


Leviathan attendait sa dulcinée de pied ferme dans une maison délabrée. Il ne l’avait pas vu depuis une semaine, ce qui était long pour son amour. Bien que le désir s'accroisse quand l’effet se recule, et que cela est supposé bénéfique, il désirait la voir plus que tout. Lorsqu’elle ouvrit la porte, il se retourna vivement, un grand sourire aux lèvres. Elle courut vers lui et l’étreignit de toute sa force, c’est à dire faible, vu son gabarit. Il lui rendit son étreinte, reniflant ses cheveux et plantant de doux baisers dans son cou. Elle rit. Il aimait son rire, un tintement de clochettes de cristal, doux et mélodieux. Au cou de sa bien aimée tintait une petite clochette dorée sur un ruban rouge. Elle portait tout le temps ce grelot depuis leur rencontre, et Leviathan, loin d’être agacé par le bruit, chérissait l’objet comme s’il faisait partie de sa dulcinée.

Là... Il la voyait. Sa propre fille, sa chaire et son sang, était en compagnie d’un homme. Non, pas d’un homme, de ce démon, de cette horreur vivante. Le diable s’était emparé de l’âme de sa fille. Il resta un instant sous le choc en pensant à cela. Comment réagirait l’église ? Ils la brûleront vive, ils la prendront pour une sorcière. Malheur, comment éviter cela ? Elle doit mourir, oui, elle doit mourir. Son esprit et son âmes sont corrompues par l’Enfer, le diable s’est emparé d’elle. Elle doit être supprimée maintenant. Il s’approcha discrètement de la petite maison, ses pas résonnant dans la nuit bien avancée...

Leviathan, tout a son instant de bonheur, n’entendit pas les pas s’approcher, et il ne sentit que le souffle de la porte qui s’ouvrit à toute volée. Il leva la tête d’Elea pour découvrir son père, le couteau à la main, un air un peu fou sur le visage. Ses yeux exorbités regardaient le couple enlacé avec quelques spasmes. Il articula des sons incompréhensibles tendit que la jeune fille sursauta et se serra contre Leviathan. Ce dernier se mit face au père d’Elea, qui s’avançait d’un pas lourd, une expression de démence ancrée sur le visage. D’une voix calme, le démon lui fit barrage:

« -Laissez Elea tranquille. Laissez la partir. »

L’homme n’arrêta pas de marcher, se dirigeant d’un pas lent vers le naga. D’une voix désaccordée il balbutia:

« -Diable.. Tu... es... le diable. Tu as... damné... ma fille. »

Leviathan leva un sourcil, nullement impressionné. Mais le vieux leva son arme à une vitesse ahurissante en criant :

« - Soit maudit! »

Un eclair... Une douleur intense. Leviathan poussa un cri, portant ses deux mains à son visage, et tombant à genoux. Un feu lui dévorait l'œil gauche, diffus, consommant tout sur son passage. Du sang coulait abondamment de son œil. Lointain, il entendit le cri d’Elea. Il ne voyait rien. Du rouge, du sang, du noir, du blanc. Rien de concret, rien que la douleur, le sang, encore et toujours le sang, et le feu, le feu infernal. A la place de son oeil, il pressait un amas de chaire en lambeau, gluante, pleine d’un liquide gluant qui dégoulinait le long de sa joue en se mêlant au sang. Son œil... son œil était couper en deux. Sa peau n’avait rien, mais son œil avait été crevé par le coups de couteau. Il tremblait, sur le sol, à quatre pattes, une main tenant les débris de son œil pour empêcher le sang de couler.

Des mains vinrent étreindre son dos. Elea. Elle lui caressait les épaules, en répétant des paroles douces, qu’il n’entendait pas complètement. AU prix d’un grand effort, il revint à la réalité, pour regarder de son unique œil viable l’homme qui riait en face de lui. Il était secoué d’une hilarité incontrôlée et démente, les yeux écarquillés sur des pupilles rétractées à l’extrême. Le dégout et la haine s’immiscia dans son âme à nouveau, tout comme un instinct sadique au dessus de la douleur. Il essaya de se lever, et y réussit non sans peine. La tête lui tournait affreusement, et il dut prendre appuie sur Elea pour ne pas tomber. Leviathan tituba, et attérit contre le mur, laissant malgré lui le champs libre au père d’Elea.

Il entendit un cri, toujours aussi lointain. Doucement, il tourna la tête, et vit l’homme enfoncer lâchement un couteau dans le dos d’Elea. Son oeil se révulsa, frappé d’horreur. Le cri de douleur de ma dulcinée retentit dans la nuit noire, mêlé au rire de son père. Ce dernier commença une sorte de danse, laissant le couteau planter dans le dos de sa fille:

« - J’ai tuer les démons ! J’ai tuer les démons ! J’ai tuer les démons ! »

Il sortit en hurlant cela, laissant la scène remplie de sang. Une expression effarée s'ancra sur le pâle visage angélique d’Elea. Quelques larmes perlèrent à ses yeux si profonds. Il contempla l'océan naissant dans son regard, cette étendue azur de pureté et d'innocence qui débordait le long de ses joues. La douleur de son oeil lui paraissait presque effacée, devant la tragédie qui se déroulait devant ses yeux. Transit, il vit impuissant les genoux tremblants de sa dulcinée se dérober sous son corps brisé par la haine. Immobile, il fixa le poignard qui dépassait de sa poitrine haletante, blanc, étincelant. Le destin avait frappé d'une hargne dévastatrice sa douce demoiselle, son tendre amour gisant à ses pieds, secouée de sanglots. Comme soudainement soumis aux lois de la gravité, il se précipitait à son côté, faisait fit de son œil qui se déversait en flots continus, et retira la lame devenue écarlate de son dos. De la plaie béante affluait un liquide grenat et sirupeux, tachant de cet insupportable vermillon la peau d'albâtre de la belle. Tel les flots pourpres du Styx, cette souillure s'écoulait sur le parquet froid d'entre ses délicates lèvres. Ce spectacle d'une cruauté insoutenable brûlait son regard énamourés. La pièce s'envola. Seul restait sa colombe, son amante, presque inerte devant lui ...

Tremblant, il passa ses bras autour de ce corps gracile, et le tourna vers lui. L'ange déchue, entravée par l'étreinte du démon, était si fragile et éphémère... Elle le fixa sous ses yeux mi-clos, pâle, transie de froid. Au prix d'un effort violent, elle leva une main frémissante vers son amant. Leviathan prit cette main gelée, tant de fois caressée, et la posa contre sa joue. Il se délectai de cet ultime contact charnel, de cette peau désirée qui avait milles fois effleurer ses lèvres, ses cheveux, cette Venus mortelle, cette ironie humaine. Elle frémit. Une toux violente la secoua, et du sang jaïssant de sa bouche aspergea le visage déjà vermeil du démon, un râle inqualifiable franchissant ces lèvres. Sa respiration sifflait affreusement. Il la berça doucement, accompagnant leur douleur par des baisers répétés sur son derme.

Une larme coula sur la joue de son aimée, traçant un sillon dans le sang. Ses mains s'accrochèrent à cet être à l'agonie, cette femme aimée et chérie, dans un geste désespéré et pathétique. Elle fut secouée de spasmes violent, et il l’étreignit contre son cœur. Dans un ultime sursaut de douleur, une lueur quitta ses yeux d'un bleu si pâle. Cette lumière enfantine et joueuse s'envola vers d'autres cieux, quittant ce corps mort, cet amas de chaire perdue, froide, inanimée. Leviathan resta immobile, statufié dans une position grotesque, tenant dans ses bras sa colombe brisée, fixant l'ultime larme qui coula le long de la joue froide de la morte, avant de rejoindre la rivière écarlate, naviguant entre ces eaux sombres et funestes. Lentement, comme pour ne briser ce corps désarticulé, il enfouit sa tête au creux de son sein, les yeux clos, guettant avec un vain espoir les battements organiques d'un cœur vivace. Le néant répondit à ses prières misérables, le silence mortuaire. Le glas funeste retentit dans l’âme damnée, rompant le silence abyssale, le comblant d'une infinie douleur infernale. La peau de sa douce Elea, qu’il caressait compulsivement, perdit de son éclat, de sa douceur. Ses cheveux ternirent, et ne brillèrent plus à la triste lueur de la lune, tandis qu’avançait la nuit.

Las, il eut à accepter le fait que son amante était partit vers d'autres contrées que les siennes, que l'Achéron ne relâcherait pas sa proie trop tôt arrachée à son véritable foyer, à des bras aimants et aimés, à une âme énamourée. Étreinte par un autre, elle navigue entre les flots pourpres du Styx, étreinte par Thanatos et entravée par ses chaînes. Quelle malédiction efflanquait ses hanches déjà si frêles, rendant ses joues rachitiques et rugueuses. Sa peau violacée dégageait une odeur âpre et écœurante. L'acerbe amour le noyait dans un flot de sanglots. Il posa sa dulcinée sur le sol, où, relâchée de ses bras, elle garda une position foetale grotesque. Doucement, ne souhaitant la briser, il l’allongea convenablement. Par la suite, son regard quitta la macchabée pour se diriger vers la fenêtre, indifférent à la douleur de son oeil. Son âme brisée faisait bien plus mal.

Le flambeau de Lucifer était presque éteint, noyée dans le ciel d'encre. Les lueurs nocturnes avaient prit une teinte pourpre, comme en vue de la tragédie qui s'était déroulée ici bas, hors de leur portée. L'astre lunaire brillait de sa lumière douceâtre, baignant la pièce où la barbarie sanglante se mêlait aux rayons d'argents. La beauté du spectacle ne toucha point son oeil vide, dépourvus de toute raison et dévoués entièrement à sa défunte amante. Son regard parcouru la salle délabrée, et se posa sur le grelot, dont le reflet éclipsait le carmin omniprésent. Il s'empara de l'objet délicatement, tremblant de froid, de tristesse, et du sang qui commençait à manquer. La mort ne pourrait l'accueillir en son sein bienveillant, pour le libérer des visions affublées à son esprit malade d'un amour avorté. Où était-elle ? Encore enveloppée dans les ailes de la faucheuse ? Ou avait-elle déjà franchie le paradis céleste ? Jamais, jamais il ne la reverrait. Lui, le diable, ne pourra plus jamais retrouvé son éternel amour défunt, cet ange monté au ciel en l’abandonnant. Leur passion avait causé sa perte, et Leviathan, détruit, n’avait rien d’autre en lui que cet acerbe sentiment de vide abyssale. Un larme. Une larme perla à son œil viable. L’autre ne saignait presque plus, mais la douleur était toujours aussi vive. La larme coula sur sa joue, glissant sur le sang et la peau froide, pour s’écraser au sol. Jamais il n’avait pleurer, jamais il n’avait été assez triste pour verser une quelconque larme. Il prit dans ses bras le corps mort et raide, et la porta en dehors de la maison, sans souffler mot.

Leviathan réussit à obtenir un enterrement décent pour sa dulcinée. Il fut le seul, à la mise en terre du tombeau, à lui rendre hommage par une rose. A son poignet, le grelot d’Elea tintait tristement. Il avait perdue son éclat, comme affecté par la mort de sa propriétaire. Le démon resta longtemps sur la tombe de sa défunte amante. Il n’arrivait pas à réaliser... Il ne se souvenait que par brides d’images. Le sang. Le sang revenait sans cesse dans ses songes. La nuit, l’image de son amour immolé, gisant sur le sol dans une marre écarlate, dont le corps se décomposait sous ses yeux, le hantait horriblement. Que faire, que vivre maintenant qu’elle était partie ? Elle lui manquait tant... Il ressentait comme un froid polaire, un profond fossé dans son âme, éviscéré. Le monde avait prit une teneur fade et insupportable. Même le royaume aquatique ne lui plaisait plus, seul restait l’image d’Elea..

Malgré tout, il n’en laissait rien paraître. Ses amères sentiments n’apparaissaient jamais en société. Tout cet amour pendu l’avait rendu encore plus froid, vil, cruel, sans pitié et sans remord. Comme pour compensé son manque, il s’adonna aux plaisirs charnel avec excès. C’était devenu une drogue, un besoin insatiable auquel il donnait presque tout son temps, visitant la couche d’une multitudes de jeunes filles, mariées, pas mariées, religieuses et j’en passe. Il se droguait aussi. Leviathan n’était pas accro mais cela le distrayait. Il fumait, s'enivrait, se livrait à l’érotisme compulsivement... Il se pensait dans un état joyeux, sans que rien ne le touche, mais lorsqu’il se regardait dans un miroir, et soulevant sa mèche de cheveux pour voir le trou à la place de son œil gauche, où quand le grelot qu’il avait toujours sur lui tintait, la tristesse le submergeait comme un ras de marrée.

Il finit par aller dans un endroit, un endroit encore peu peuplé, seulement par des créatures insolites et fantastiques. Il projetait de devenir le maitre de cet endroit, de former une armée et de reconquérir l’Enfer. Par tous les moyens, il retrouverai son Elea. Elea... Elea... Elea... l’amour mort pour toujours, et pour toujours hors d’atteinte...